64 organisations non-gouvernementales (dont la Ligue des droits de l'Homme) appellent les Etats membres de l’Union Europénne et la Commission européenne à protéger la vie familiale
des migrants et des refugiés :
A l’occasion de l’audience publique sur le regroupement familial des nationaux de pays tiers installés dans l’Union européenne, nous, organisations signataires, appelons la Commission européenne
et les États membres de l'Union Européenne à garantir l'exercice effectif du droit à la vie de famille et au regroupement familial pour tous les migrants et bénéficiaires d'une protection
internationale. Il est dans l’intérêt même des États membres d’harmoniser les pratiques et les législations en matière de regroupement familial. Nous rappelons par ailleurs que les États membres
sont dans l'obligation de mettre correctement en oeuvre la Directive européenne relative au regroupement familial et de lever les nombreux obstacles juridiques et pratiques au regroupement qui
existent actuellement.
Tandis que les Etats membres ont le pouvoir d’améliorer leurs pratiques en matière de regroupement familial, un nombre croissant d’entre eux n'appliquent pas les standards minimums inscrits dans
la Directive. En 2008, la Commission européenne publiait un rapport révélant qu’un certain nombre d’États membres ne se conformaient pas à plusieurs articles de la Directive. Toutefois, depuis
lors, aucune action juridique n'a été entreprise.
Nous appelons donc la Commission européenne à mettre à jour l’évaluation effectuée en 2008 et à lancer des procédures d'infraction à l'encontre des États membres qui ne respectent pas les règles
communautaires en vigueur. Nous l'encourageons également à établir un mécanisme permanent pour assurer le suivi de la transposition de cette Directive par les États membres ainsi que ses effets
pratiques sur les familles de migrants. A partir du rapport de 2008 et compte-tenu de notre expérience de terrain, nous pensons que des procédures d’infraction peuvent dès à présent être lancées,
particulièrement dans les cas de non-transposition ou de transposition incorrecte de la Directive concernant l'octroi des visas, l'accès à des permis de séjour indépendant individuels, la
disproportion des coûts administratifs, la proportionnalité des mesures d'intégration et autres conditions matérielles, ainsi que les preuves exigées pour le regroupement avec une attention
particulière aux bénéficiaires de protection internationale.
Outre ces mesures, nous pensons que des lignes directrices interprétatives pourraient être un moyen d'aider les États membres à mettre correctement en oeuvre la législation et à adopter des
pratiques plus favorables. Toute action entreprise devrait impliquer les acteurs compétents tels que les acteurs de la société civile ou le Parlement européen.
La famille revêt une importance capitale dans la vie de tous les êtres humains, y compris celle des migrants. Le regroupement familial, un droit humain fondamental inscrit dans le droit
communautaire, permet aux familles de vivre dans la dignité et facilite leur intégration dans la société. Diverses études ont mis en évidence les effets positifs du regroupement familial et, a
contrario les effets négatifs des politiques restrictives, des longues périodes de séparation, à la fois sur les migrants et sur les sociétés dans lesquelles ils vivent.
Nous pensons que la Directive européenne relative au regroupement familial contient les dispositions adéquates relatives aux objectifs et aux normes minimales. Les États membres sont censés
appliquer le droit au regroupement familial en assurant le respect des normes en matière de droits de l’homme, notamment l'article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et l'article
7 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE. Les États membres doivent également respecter les principes fondamentaux du droit, tels que la proportionnalité, l'intérêt supérieur de l'enfant et
la non-discrimination. Par ailleurs, la directive permet d'adopter des pratiques plus favorables, que nombre d'États membres appliquent déjà. Nous estimons que les problèmes tels que les mariages
forcés ou les mariages de complaisance peuvent être mieux gérés à l’aide d’outils autres que la législation sur le regroupement familial, par exemple en mettant en place des mesures éducatives
continues, un soutien sous forme de conseils aux victimes ou l'accès à un statut juridique indépendant pour les conjoints. Les politiques et procédures restrictives en matière de regroupement
familial laissent aux membres de la famille peu d'autres options que celles d'entrer irrégulièrement dans les pays ou de dépasser la durée prévue de leur visa. Leur migration irrégulière
restreint alors leurs droits fondamentaux et leur possibilité d'intégration, de même qu'elle les expose à l'exploitation et aux abus divers.
Nos organisations et membres suivent la transposition de la directive et se heurtent à des problèmes en travaillant chaque jour à aider les migrants et les bénéficiaires d'une protection
internationale. Dans nos réponses à la consultation sur le regroupement familial, nous avons identifié une série de problèmes communs qui devraient être pris en compte dans ce processus à venir.
Nous appelons les États membres de l'UE et la Commission européenne à traiter les problèmes suivants:
- Éliminer les obstacles pratiques liés au processus de regroupement familial, tels que le coût élevé des procédures, la complexité des documents à réunir, la difficulté de l'obtention de visas
et documents de voyage pour les membres des familles, avec une attention particulière aux familles des bénéficiaires d'une protection internationale. Dans certains cas, les frais d'un
regroupement familial sont dix fois supérieurs au coût d'une carte d'identité. La jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) confirme la nature discriminatoire de
telles pratiques.
- Raccourcir autant que possible les délais d'attente et la longueur des procédures. Plus longue est la période d'attente ou la procédure, plus la vie familiale devient difficile. Quand des
enfants sont concernés, leur intérêt supérieur doit être considéré en priorité.
- Évaluer la proportionnalité et l'accessibilité des mesures d'intégration aux fins du regroupement familial. Les États membres imposent aux membres de familles des mesures d'intégration qui sont
en réalité devenues des conditions d'entrée sur le territoire et des exigences complémentaires pour le regroupement familial. Il est vrai que la plupart des États membres n'imposent pas de
conditions d'intégration. Seuls quelques États membres, comme l'Autriche, la France, l'Allemagne et en particulier les Pays-Bas, imposent de telles conditions d'intégration.
- Faire de l'égalité et de la proportionnalité les principes directeurs de toute condition matérielle ou de logement. Les conditions de revenus et de logement, exigées par nombre d'États membres,
ne peuvent devenir des obstacles au regroupement familial. Dans certains pays, les familles qui cherchent à se réunir sont censées remplir des conditions que la famille moyenne du pays ne
pourrait réunir. Nous demandons aux États membres de ne pas exiger de ressources économiques supérieures au niveau de l'aide sociale ou du salaire minimum national, et de permettre la prise en
compte de certaines prestations sociales dans le calcul de ces ressources.
- Permettre aux bénéficiaires d'une protection subsidiaire d'avoir droit aux mêmes dispositions favorables que celles accordées aux réfugiés. Cela correspond déjà aux pratiques de nombreux États
membres de l'UE et c'est en cohérence avec l'harmonisation juridique en cours dans l'UE en matière d'asile, illustrée récemment par la directive Qualification et la directive Résidents de longue
durée.
- Préciser clairement que l'âge minimal du conjoint doit être l'âge de la majorité et réévaluer les outils à utiliser pour combattre les mariages forcés. Certains États membres permettent le
regroupement familial du conjoint en fonction d'une limite d'âge supérieure à 18 ans. De telles limites d'âge sont arbitraires ou excessives. Nous estimons que des limites d'âge supérieures sont
discriminatoires, injustifiées et sans effet sur la promotion de l'intégration ou la lutte contre les mariages forcés. La plupart des États membres imposent l'âge de la majorité comme limite
d'âge pour la réunification des couples.
- Clarifier la définition des membres de la famille et des proches dépendants ayant droit au regroupement, sur la base des principes de proportionnalité et de non-discrimination. Actuellement,
seuls les couples mariés et leurs enfants mineurs non mariés ont droit au regroupement familial au titre de la directive. Des orientations devraient traiter de la façon dont les États membres
peuvent inclure d'autres membres de la famille. Elles devraient également définir le lien de dépendance à partir d'une évaluation individuelle de la vie familiale.
- Garantir l'accès à un permis de séjour indépendant. Les membres de la famille ont besoin d'un accès à un permis de séjour indépendant individuel le plus tôt possible, avant cinq ans, sans
aucune condition supplémentaire. Cet accès plus favorable a déjà été mis en place dans une poignée d'États membres.