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Par un arrêté du 5 février 2002, publié le 19 avril au bulletin municipal, le maire de Montrouge a porté "interdiction pendant une période de l'année de la circulation nocturne des mineurs non accompagnés de moins de treize ans" sur le territoire de la commune. La LDH a saisi le Tribunal administratif de Paris d'un recours en annulation et cette juridiction, par décision du 30 avril 2003, a prononcé l'annulation de l'arrêté querellé, considérant "qu'aucun contrat local de sécurité couvrant le territoire de la commune n'a été conclu" et que d'autre part "l'évolution de la délinquance ne saurait, nonobstant l'exiguité du territoire communal, justifier les restrictions apportées à la liberté d'aller et de venir des mineurs".

La ville de Montrouge a été condamnée à payer 1500 euros à la LDH au titre des frais irrépétibles.

Le Maire de Montrouge a interjeté appel de ce jugement. Par arrêt du 2 mars 2006, la Cour administrative d'appel de Paris a confimé le jugement du Tribunal, et condamné la commune de Montrouge à verser à la LDH 1000 euros au titre des frais irrépétibles.

 

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Décision du Tribunal administratif de Paris du 30 avril 2003

Vu la requête, enregistrée le 19 juin 2002, présentée pour la LA LIGUE DES DROITS DE L'HOMME, dont le siège est 138, rue Marcadet, 75018 Paris , par Me Alain-François Roger, avocat aux conseils ; LA LIGUE DES DROITS DE L'HOMME demande que le Tribunal, d'une part, annule l'arrêté du 5 février 2002 par lequel le maire de Montrouge (Hauts de Seine) a interdit la circulation des mineurs de 13 ans non accompagnés sur l'ensemble de la commune de 23 h à 6 h et, d'autre part, condamne la ville de Montrouge à lui payer la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code général des collectivités territoriales

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2003 :

    - le rapport de M. Le Carpentier, conseiller ;

    - les observations de Me Alain François Roger, avocat au Conseil d'Etat, pour le requérant et de Me Mirouse, pour la commune de Montrouge ;

    - et les conclusions de M. Biard, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'association dénommée "Ligue des droits de l'homme" demande l'annulation de l'arrêté du 5 février 2002 par lequel le maire de Montrouge (Hauts de Seine) a interdit la circulation des mineurs non accompagnés sur l'ensemble du territoire de la commune, du 1er mai au 31 août, de 23 h à 6 h ;

Sur la fin de non recevoir opposée par le maire :

Considérant que les statuts de l'association requérante, que celle-ci a produits aux débats, lui fixent pour objet de : "défendre les principes énoncés dans les déclarations des droits de l'homme de 1789 et 1793, la déclaration universelle de 1948 et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et les protocoles additionnels. (...) Elle combat l'injustice, l'illégalité, l'arbitraire, l'intolérance (...) et plus généralement, toute atteinte au principe fondamental d'égalité entre les êtres humains. (...) Elle concourt au fonctionnement de la démocratie. (...)" ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la ville de Montrouge, l'association requérante justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté municipal litigieux ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que ni l'article 372-2 du code civil, selon lequel la santé, la sécurité et la moralité de l'enfant sont confiées par la loi à ses père et mère, qui ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation, ni les articles 375 à 375-8 du même code selon lesquels l'autorité judiciaire peut, en cas de carence des parents, et si la santé ou la moralité d'un mineur sont en danger, prononcer des mesures d'assistance éducative, ni, enfin, les pouvoirs généraux que les services de police peuvent exercer en tous lieux vis-à-vis des mineurs, ne font obstacle à ce que, pour contribuer à la protection des mineurs, le maire fasse usage, en fonction de circonstances locales particulières, des pouvoirs de police générale qu'il tient des articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales;

Considérant toutefois que la légalité de mesures restreignant à cette fin la liberté de circulation des mineurs est subordonnée à la double condition qu'elles soient justifiées par l'existence de risques particuliers dans les secteurs pour lesquels elles sont édictées et qu'elles soient adaptées par leur contenu à l'objectif de protection pris en compte ;

Considérant que l'arrêté litigieux est motivé par la hausse très importante de l'insécurité dans la commune et l'implication croissante des mineurs dans les délits commis sur son territoire ; que, toutefois, et alors qu'aucun contrat local de sécurité couvrant le territoire de la commune n'a été conclu, les seuls éléments statistiques locaux produits par la commune révèlent, non seulement, un nombre peu élevé en valeur absolue des délits commis par les mineurs, mais encore, une diminution sensible de la délinquance qui leur est imputable ; qu'ainsi, en l'espèce, l'évolution locale de la délinquance ne saurait, nonobstant l'exiguïté du territoire communal, justifier les restrictions ainsi apportées à la liberté d'aller et venir des mineurs ; que, dès lors, l'association dénommée "La Ligue des droits de l'homme" est fondée à demander l'annulation de l'arrêté contesté ;

Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande de l'association requérante tendant au paiement de frais irrépétibles et de condamner la ville de Montrouge à lui payer, à ce titre, la somme de 1500 euros ;

 

DECIDE:

Article 1er : L'arrêté du 5 février 2002 du maire de Montrouge est annulé.

Article 2 : La ville de Montrouge est condamnée à payer la somme de 1.500 euros à la Ligue des droits de l'homme au titre des frais irrépétibles.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au maire de Montrouge et à la Ligue des droits de l'homme. Copie en sera transmise au préfet des Hauts de Seine.

 

Délibéré à l'issue de l'audience du 19 mars 2003, où siégeaient : Mme Jeangirard-DufaI, président ; M. Le Carpentier, M. Wurtz, conseillers, assistés de Mlle Lelièvre, greffier.

Prononcé en audience publique le 30 avril 2003.

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

 

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Décision de la Cour administrative d'appel de Paris du 2 mars 2006

 

Vu la requête, enregistrée le 14 juillet 2003, présentée pour la COMMUNE DE MONTROUGE, représentée par son maire, par Me Delcros ; la COMMUNE DE MONTROUGE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°0208661/3-l du 30 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 5 février 2002 du maire de Montrouge (Hauts de Seine) interdisant du 1er mai au 31 août la circulation des mineurs de 13 ans non accompagnés sur l'ensemble de la commune de 23 h à 6 h ;

2°) de rejeter la demande présentée par la Ligue des droits de l'homme devant Tribunal administratif de Paris ;

3°) de condamner la Ligue des droits de l'homme à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement attaqué est irrégulier pour avoir admis la recevabilité de la demande présentée par la Ligue des droits de l'homme en estimant que l'association requérante justifiait d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté municipal contesté en ce que ledit arrêté a pour objet la protection des mineurs et qu'il ne peut être fait grief audit arrêté d'instaurer une quelconque injustice, inégalité, intolérance ou
discrimination, qui seuls peuvent être combattus aux termes des statuts de ladite association ; que ledit arrêté est légal en ce que les mesures restrictives à la libre circulation des mineurs qu'il institue répondent à la double condition posée par la jurisprudence au regard, d'une part, de l'existence de risques particuliers dans les communes dans lesquelles elles sont édictées et d'autre part, à l'adaptation de leur contenu à l'objectif pris en compte ; que l'existence ou non d'un contrat local de sécurité n'est en rien un gage d'une bonne évaluation de l'insécurité dans une commune ; que l'absence d'un tel contrat ne fait pas obstacle à l'édition de mesures
restrictives dès lors que, dans la commune de Montrouge, au cours des deux années précédant l'intervention de l'arrêté attaqué, le nombre de mineurs auteurs d'actes de délinquance a augmenté de 34 % et que le nombre de mineurs victimes d'actes de délinquance a augmenté de 150 % ; que l'arrêté attaqué respecte le principe de proportionnalité quant aux personnes en ce qu'il ne concerne que les mineurs âgés de moins de 13 ans non accompagnés d'une personne majeure, quant au temps en ce qu'il est limité à la période du 1er mai au 31 août, de 23 heures à 6 heures du matin ; qu'il ne peut concerner que l'ensemble du territoire communal qui ne mesure que 2 km2 et est entièrement urbanisé ; que la grande mobilité des groupes de mineurs rendrait irréaliste toutes mesures de police limitées à certains quartiers, ce qu'a admis le Conseil d'Etat dans son arrêt du 27 juillet 2001 Ville d'Etampes ;

Vu le mémoire en défense, enregistré comme ci-dessus, le 14 mars 2005, présenté pour la Ligue des droits de l'homme par la SCP Roger et Sevaux, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la COMMUNE DE MONTROUGE à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens que le jugement est régulier en ce que l'objet de la Ligue des droits de l'homme est en rapport direct avec les mesures incriminées en ce qu'elles sont contraires au principe constitutionnel et conventionnel de la liberté d'aller et venir et en ce qu'elles introduisent  une discrimination entre les mineurs à raison de leur âge ; que le jurisprudence admet largement l'intérêt à agir ; que l'arrêté est illégal en ce que l'absence de contrat de sécurité local est un indice d'absence d'insécurité ; que les statistiques produites par la commune ne révèlent pas de circonstances particulières d'insécurité ; que la délinquance imputable aux mineurs est au contraire en diminution sensible ; qu'il n'existe pas un phénomène local caractérisé de délinquance des mineurs dans ladite commune ; que la ville n'indique pas avoir tenté la mise en place de mesures particulières avant de prendre les mesures radicales incriminées ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré comme ci-dessus le 3 février 2006, présenté pour la COMMUNE DE MONTROUGE ; 

Vu le jugement attaqué;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2006 :

  - le rapport de M. Piot, rapporteur,

  - les observations de Me Sabattier, pour la COMMUNE DE MONTROUGE,

  - et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMMUNE DE MONTROUGE (Hauts de Seine) relève appel du jugement en date du 30 avril 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 5 février 2002 du maire de Montrouge interdisant du 1er mai au 31 août la circulation des mineurs de 13 ans non accompagnés sur l'ensemble de la commune de 23 h à 6h;

Sur la recevabilité de la demande de première instance

Considérant qu'eu égard i l'objet social de l'association la Ligue des droits de l'homme, qui vise notamment à défendre les libertés publiques, et à la portée de l'arrêté litigieux, cette association justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir à l'encontre dudit arrêté ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de la Ligue des droits de l'homme devant le Tribunal administratif de Paris ne peut être accueilli ;

Au fond :

Considérant que ni l'article 372-2 du code civil, selon lequel la santé, la sécurité et la moralité de l'enfant sont confiées par la loi à ses père et mère, qui ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation, ni les articles 375 à 375-8 du même code selon lesquels l'autorité judiciaire peut, en cas de carence des parents, et si la santé ou la moralité d'un mineur sont en danger, prononcer des mesures d'assistance éducative, ni, enfin, les pouvoirs généraux que les services de police peuvent exercer en tous lieux vis-à-vis des
 mineurs, ne font obstacle à ce que, pour contribuer à la protection des mineurs, le maire fasse usage, en fonction de circonstances locales particulières, des pouvoirs de police générale qu'il tient des articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ;

Considérant toutefois que la légalité de mesures restreignant à cette fin la liberté de circulation des mineurs est subordonnée à la double condition qu'elles soient justifiées par l'existence de risques particuliers dans les secteurs pour lesquels elles sont édictées et qu'elles soient adaptées par leur contenu à l'objectif de protection pris en compte ;

Considérant que l'arrêté litigieux est motivé par la hausse très importante de l'insécurité dans la commune et l'implication croissante des mineurs dans les délits commis sur son territoire ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'aucun contrat local de sécurité couvrant le territoire de la commune n'a été conclu et que les statistiques produites par la commune concernant les deux années précédant l'intervention de l'arrêté attaqué ne révèlent pas de circonstances particulières d'insécurité mais au contraire une diminution sensible de la délinquance imputable aux mineurs ; qu'il n'existe pas un phénomène local caractérisé de délinquance des mineurs dans ladite commune ; que l'évolution locale de la délinquance ne saurait justifier les restrictions ainsi apportées à la liberté d'aller et venir des mineurs ;    

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MONTROUGE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué ; 

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Ligue des droits de l'homme, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à la COMMUNE DE MONTROUGE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de condamner la COMMUNE DE MONTROUGE à payer la somme de 1 000 euros à la Ligue des droits de l'homme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

 

DÉCIDE :

Article 1er: La requête de la COMMUNE DE MONTROUGE est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE MONTROUGE versera la somme de 1 000 euros à la Ligue des droits de l'homme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE MONTROUGE et à la Ligue des droits de l'homme. Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
                                                          

Délibéré après l'audience du 9 février 2006, où siégeaient : M. Moreau, président, M. Piot, président, M. Marino, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 2 mars 2006.

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

 

 

 

 

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