Communiqué de la Ligue des droits de l'Homme :
Pourrions-nous croire à sa mort, après quatre-vingt-quinze années d’une vie plus riche qu’un roman ? Commencée dans deux patries successives, elle s'est poursuivie au milieu de la poésie, du
surréalisme et d’une profonde culture humaniste et européenne. Puis ce fut la Résistance, Buchenwald, d’où il réchappe quasi miraculeusement, et la France libre. Ensuite, après le compagnonnage
avec Mendès France à Londres, Stéphane Hessel est à l'ONU, avec René Cassin, pour la préparation de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. La suite, c'est son combat inlassable pour la
conquête de tous les droits, pour tous et partout.
S'il fut un diplomate reconnu jusqu’à devenir ambassadeur de France, c'était aussi un homme alliant l’esprit de résistance et la volonté de construire « un monde solidaire et organisé », « une
structure de l’économie mondiale plus équitable ». Donc à la fois le club Jean-Moulin, il y a cinquante ans, pour penser « une République moderne », mais aussi en 1997, le Collège des médiateurs
pour la régularisation des sans-papiers ; le refus de la colonisation des territoires palestiniens, qui lui valu d’être traité d’antisémite, lui, le survivant des camps, par ceux que leur bêtise
et leur haine aveuglent ; et encore, après la honte du « ministère de l’Identité nationale », la fondation de Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui, et le rendez-vous du printemps, chaque
année, aux Glières.
Lui-même l’a toujours répété, le fil conducteur de ce parcours fascinant, c’est son « investissement dans les droits de l’Homme » : « l’opposé de ce qui avait failli me faire mourir », mais aussi
« le fil conducteur d’une histoire qui a un sens et qui donne de plus en plus de responsabilité et de liberté aux individus ». Son autobiographie, il l’avait appelée Danse avec le siècle, parce
qu’« à force de déséquilibres, l’histoire est susceptible de produire des équilibres plus riches ». Et pour construire ces nouveaux équilibres, regrettant trop souvent chez les hommes politiques
« le manque de courage, le désir de flatter l’électorat plutôt que d’aller de l’avant », il appelait à « ne pas compter seulement sur les gouvernements pour poursuivre les objectifs auxquels nous
tenons », à miser, comme il l’a fait si intensément, sur « la mobilisation de la société civile ». Comme nous.
Laissons-lui la parole une fois encore. Voici la conclusion du chapitre qu’il avait donné à L’état des droits en France, publié en 2012 par la Ligue des droits de l’Homme : « secouer la chape de
plomb du pessimisme, du défaitisme et du déclinisme », retrouver « la capacité non seulement de s'indigner, mais encore d'espérer et d'entreprendre. Proposer, rassembler, agir pour construire
d'autres rapports de forces que ceux de la domination oligarchique ; ne plus déléguer le choix de notre avenir à un « sauveur suprême » ou à des experts porteurs d'une prétendue rationalité
fauteuse de crises ; dépasser les mirages de l'individuation et de la marchandisation en retrouvant le chemin de la solidarité, en « reconsidérant la richesse » pour remettre la valeur à
l'endroit ; se rappeler que ce sont les Hommes qui font l'histoire, qu'aucune fatalité n'oblige à ce que l'humanité, dont les capacités augmentent sans cesse, subisse la régression de ses droits
et de ses acquis au point de perdre espoir en l'avenir. Car si nous le pouvons, si nous le voulons vraiment, cet avenir est entre nos mains à tous. »
La Ligue des droits de l’Homme est fière d’avoir cheminé avec Stéphane Hessel. Elle est triste de l’entendre encore réciter Apollinaire : « J’ai cueilli ce brin de bruyère, L’automne est morte,
souviens-t’en, Nous ne nous verrons plus sur terre », mais elle se rappelle qu’il chérissait aussi Hölderlin : « Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve. »
« Ce qui sauve », il l’a porté, il nous le lègue. Faisons-le vivre.
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Emotion de Marie-Hélène Amiable, maire de Bagneux, après le décès de Stéphane Hessel
Je viens d'apprendre avec beaucoup de tristesse la disparition de ce grand Monsieur. Avec Stéphane Hessel, c'est une personnalité marquante de la Résistance d'hier et d'aujourd'hui qui nous
quitte.Je retiens bien sûr son parcours de combattant contre le nazisme et les années noires de l'occupation. Comment ne pas souligner, aussi, la part décisive que Stéphane Hessel a prise dans la
rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme ?Ce citoyen d'une grande modestie était également de tous les combats d'aujourd'hui, sans craindre d'aller contre la pensée
dominante. A l'image du succès populaire de son livre, Indignez-vous !, il a largement contribué à faire prendre conscience à des millions de Français et de citoyens du monde de la nécessité de
refuser l'inacceptable et d'agir partout en faveur de la justice sociale.Je pense particulièrement au combat courageux qu'il a porté jusqu'à son dernier souffle pour faire reconnaître le droit
des Palestiniens à un Etat. Les sans-papiers perdent aussi un militant infatigable pour leurs droits.Poursuivre son action, c'est souhaiter, selon ses propres mots « à tous, à chacun d'entre
vous, d'avoir votre motif d'indignation. C'est précieux. Quand quelque chose vous indigne comme j'ai été indigné par le nazisme, alors on devient militant, fort et engagé. On rejoint ce courant
de l'histoire et le grand courant de l'histoire doit se poursuivre grâce à chacun. Et ce courant va vers plus de justice, plus de liberté mais pas cette liberté incontrôlée du renard dans le
poulailler ». Marie-Hélène Amiable, maire de Bagneux
Hommage à Stéphane Hessel, l'indigné
J'ai une pensée aujourd'hui pour le resistant et militant Stéphane Hessel qui nous a quitté cette nuit à l'âge de 95 ans. Il a écrit en 2010 le manfieste "Indignez-Vous !" dans lequel il
appellait les jeunes générations à renouer avec l'esprit de la Résistance : "Le motif de base de la Résistance était l'indignation. Nous appelons les jeunes générations à faire vivre,
transmettre, l'héritage de la Résistance et ses idéaux. Nous leur disons : prenez le relais, indignez-vous !".
Je souhaiterais donc rendre hommage à l'homme de combat qu'il était, lui l'ancien résistant, l'ancien déporté, cet européen convaincu, ce militant des droits de l'homme, ce défenseur infatigeable
de l'humain.
Sa voix toujours pleine de sagesse nous manquera mais son message ne doit pas être oublié : "Créer, c'est résister. L'indifférence est la pire des attitudes." Patrick Alexanian, Conseiller
général de Bagneux