Interview parue dans "Vidéosurveillance infos" n°2 de Jean-Claude Vitran, responsable du groupe de travail "Libertés et informatique" à la Ligue des droits de l'Homme :
Q1 : Pourquoi la LDH refuse de participer aux comités éthiques de la vidéosurveillance mis en place dans certaines villes ?
La vidéosurveillance va à l’encontre de deux droits essentiels : le droit à l’image, lorsqu’il y a enregistrement. Et le droit de se déplacer librement, inscrit dans la Déclaration universelle
des droits de l’homme. Pourquoi devrions-nous cautionner par notre présence des systèmes auxquels nous nous opposons ? D’autant que ces comités sont toujours mis en place après que la décision
d’installer de la vidéosurveillance ait été prise et ce, le plus souvent, en l’absence de débat public.
Q2 : Des sondages montrent pourtant que la majorité de la population française y est favorable…
On est entré dans la dictature du risque zéro et l’ère de l’illusion technologique. Les gens ont peur et voient dans les caméras des solutions à tous leurs problèmes. Mais c’est un placébo
sécuritaire, rien de plus. On sait très bien que mettre des caméras à la sortie des écoles pour lutter contre le racket ne fait que déplacer le problème de 100 mètres. On remplace la prévention
par des machines. Mais rien n’est plus efficace que l'humain, l'éducateur, le fonctionnaire, le policier.
Q3 : N’est-ce pas un outil efficace pour l’identification dans le cadre d’enquêtes judiciaires ?
Beaucoup de gens estiment que la vidéosurveillance n’est pas un problème si l’on n’a rien à se reprocher. Mais c’est une inversion terrible du paradigme de notre justice, car cela remet en cause
la présomption d’innocence. Avec la vidéosurveillance toute personne est placée en position de suspect permanent sans en être informée et devra si elle est convoquée par la police dans le cadre
d’une affaire apporter la preuve de son innocence. Le développement des caméras numériques, qui permettent une identification toujours plus précise des individus, ne fera qu’amplifier ce
problème.