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18 juillet 2008 5 18 /07 /juillet /2008 17:57

Ci-dessous la lettre ouverte de Jean Claude Polack (psychiatre et co fondateur de Médecins sans frontières) à Bernard  Kouchner

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Monsieur le Ministre, Cher Bernard,

Je me permets de m’adresser à vous - à toi - à la fois selon les règles de l’étiquette et en vertu d’une ancienne amitié. Notre proximité militante dans le double combat contre les injustices du libéralisme et les dérives dictatoriales du socialisme « réel » m’ont permis d’apprécier les termes concrets de ton éthique humanitaire, au delà des idéologies et des programmes. Et j’ai toujours voulu croire que Don Quichotte chez toi prenait le pas sur Rastignac, l’utopie surmontant l’ambition.
Comme tu le sais, Marina Petrella, une ancienne dirigeante des Brigades Rouges - qui a fait de très nombreuses années de prison préventive en Italie avant sa condamnation à perpétuité - est venue se réfugier en France quand le Président Mitterrand - dont tu fus un proche et un ministre - accorda l’asile aux « politiques » italiens, à la seule condition de leur renoncement à toutes leurs pratiques activistes. Il refusa donc, au nom des principes universels  des Droits de l’Homme, d’extrader ces exilés.
Forte de cette promesse, Marina a pu vivre en France depuis 1993, a travaillé comme assistante sociale dans une banlieue difficile, s’est installée avec le père de sa deuxième fille.
En août 2007 elle a été arrêtée dans un commissariat de police (qui l’avait convoquée pour une histoire de carte grise), menottée et conduite en prison.
L’Etat  français a signé l’extradition demandée par le gouvernement italien, en rompant avec la déclaration que deux Présidents et sept Premiers ministres - de gauche ou de droite -  n’avaient jamais désavouée.
Cette décision est vécue comme un arrêt de mort, une peine capitale ; on peut craindre maintenant que Marina se l’inflige à elle-même. Les allers et retours entre Fleury-Merogis et les lieux psychiatriques où on tente de la soigner témoignent de la gravité d’une dépression réactionnelle traumatique, émaillée de symptômes mélancoliques et suicidaires.
Au delà du recours au Conseil d’Etat, ses avocats font appel de cette décision au nom d’une clause humanitaire qui se justifie pleinement dans ce cas.
Je ne veux pas ici revenir sur le refus de la société politique italienne de mettre un terme définitif, par l’amnistie, à toutes les violences et revanches qui prolongent jusqu’aujourd’hui l’état de guerre civile larvée des années 70 dans la péninsule .
Cela n’est pas directement de notre ressort.
Je ne ferai pas non plus de commentaires concernant les incohérences de la politique « sécuritaire » ou « anti-terroriste » qui ont conduit, en haut lieu, à la décision de livrer brutalement cette femme au destin funeste dont on l’avait solennellement soustraite.
Je te demande, cher Bernard, d’examiner le cas de Marina Petrella avec l’expérience, l’autorité et l’humanité qui font ta réputation dans notre pays. Et, une fois de plus, de t’opposer à une meurtrière injustice.
Je te prie de recevoir, avec ce message en forme de supplique, l’expression de mon inquiétude et la certitude de ma confiance.
                                     
Jean Claude POLACK
(Psychiatre, psychanalyste)

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