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19 mai 2010 3 19 /05 /mai /2010 14:06

La CNDS vient de faire paraître son rapport 2009. En introduction, le rapport précise que "l’année 2009 a été marquée à la fois par une augmentation sans précédent du nombre de saisines de la CNDS enregistrées entre le 1er janvier et le 31 décembre, passant de 152 en 2008 à 228 en 2009 (soit 50 % de plus) et par la remise en cause concomitante de son existence à travers un projet de loi organique présenté par le gouvernement le 9 septembre 2009 et qui sera débattu au Sénat le 27 mai prochain".

 

Extraits du rapport :

 

Police et gendarmerie nationales

 

FOCUS SUR LA GARDE A VUE
S’agissant d’une question éminemment d’actualité, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a estimé utile de faire un point sur la garde à vue, mesure à la fois nécessaire et attentatoire à la liberté individuelle et qui a connu une progression importante puisque, selon le ministère de l’Intérieur, près de 600 000 personnes ont été placées en garde à vue en 2009, ce chiffre ne tenant compte ni des mesures en outre-mer, ni de celles découlant des infractions routières.
Une fois encore, la CNDS a été conduite à constater des manquements graves à la déontologie relatifs à la garde à vue (43 % de ses dossiers police/gendarmerie concernent notamment la garde à vue cette année, contre 33 % l’année dernière), à la fois quant à l’opportunité du recours à cette mesure et aux conditions de son déroulement.
Ainsi qu’il a été rappelé à plusieurs reprises, la seule application des textes normatifs existants et de la jurisprudence suffirait à éviter les manquements les plus fréquents. Le caractère récurrent de ces derniers conduit toutefois à craindre un recours à des pratiques condamnables plus généralisé que le seul nombre des cas soumis à la CNDS pourrait le donner à penser.
Si les recommandations d’ordre général émises par la Commission ont pu être prises en compte par la hiérarchie des forces de sécurité et donner lieu à des circulaires ou autres instructions, il n’en a malheureusement pas été de même pour les propositions de nature individuelle portant sur l’engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre des responsables des irrégularités constatées.
La Commission tient donc à renouveler son souhait de voir intervenir des mesures concrètes pour qu’en toute occasion soient strictement respectés dans la pratique quotidienne les textes règlementant l’usage de la garde à vue.
Outre les conditions matérielles, les réclamations portent notamment sur :
- l’opportunité de la mesure de garde à vue ;
- sa durée ;
- le suivi médical pendant la garde à vue (examen médicaux tardifs, non-respect des certificats médicaux d’incompatibilité avec la mesure ou de prescription médicamenteuse ;
- le recours à des procédés déloyaux (présentation déloyale de personnes mises en cause et une retranscription erronée des déclarations dans les procès-verbaux d’audition ;
- et enfin, le recours systématique à la fouille à nu.

Recours à la fouille à nu en l’absence de cadre légal
La Commission a constaté, pour la neuvième année consécutive, la banalisation et le caractère quasisystématique des fouilles à nu de personnes privées de liberté, prises en charge par des fonctionnaires de police et des gendarmes. Les critères d’appréciation qu’elle a dégagés, au regard de l’analyse des pratiques, ont été repris par les instructions du directeur général de la police nationale du 9 juin 2008, rappelant la circulaire du ministre de l’Intérieur du 11 mars 2003.
Force est cependant de constater que les circulaires et instructions précitées ne sont pas respectées.
La Commission reçoit régulièrement des réponses des autorités, qui, bien que partageant son analyse quant au caractère abusif de certaines fouilles, se contentent d’indiquer qu’elles procèderont à une nouvelle diffusion des instructions, en faisant le choix de ne pas engager la responsabilité des auteurs du non-respect des instructions.
La Commission rappelle une fois encore que la fouille à nu est une pratique attentatoire à la dignité et qu’elle doit dès lors être proportionnée au but à atteindre – la découverte d’objets illicites et dangereux pour la sécurité des personnes (de l’intéressé, des agents et des tiers) –, et que toute personne privée de liberté n’est pas susceptible de dissimuler de la drogue ou des armes dans les parties intimes de son corps.
Dès lors, la fouille à nu doit être exceptionnelle et effectuée dans les seuls cas où il existe des circonstances laissant sérieusement penser que l’intéressé dissimule des objets illicites ou dangereux insusceptibles d’être détectés par un autre moyen (palpation, détecteur de métaux,…).
La Commission a recommandé que :
- la pratique de la fouille à nu, comme toutes mesures attentatoires à la dignité des personnes, soit encadrée par un texte législatif, et soit contrôlée par l’autorité judiciaire grâce à une mention de la fouille et des raisons qui l’ont justifiée dans la procédure transmise au parquet ;
- les fouilles à nu réalisées en présence de plusieurs personnes fouillées soient prohibées ;
- les fouilles exercées par plusieurs fonctionnaires soient justifiées par des circonstances exceptionnelles et que l’agent présent au moment de la fouille soit du même sexe que la personne fouillée ;
- la répétition des fouilles pratiquées dans une même journée sur des personnes placées sous la surveillance permanente des forces de sécurité et emmenées au palais de justice de Paris soit limitée. Elle a souhaité que l’utilisation de détecteurs de métaux ou de scanners soit privilégiée, avant d’envisager une fouille en raison de circonstances particulières laissant présumer que la personne dissimule des objets dangereux pour elle-même ou pour autrui et qui ne serait pas de nature à être détectés par ce moyen ;
- la responsabilité des fonctionnaires ne soit pas engagée en cas de survenance d’un incident imprévisible, alors qu’ils ont agi avec discernement au moment de décider du recours à la palpation ou à la fouille à nu et qu’au contraire, les fonctionnaires encourent des sanctions disciplinaires en cas de fouille réalisée en l’absence de motif sérieux, donc de façon abusive ;
- des poursuites disciplinaires soient engagées à l’encontre des OPJ ayant ordonné ou laissé faire des fouilles à nu pour des raisons manifestement injustifiées.

MANQUEMENTS SUSCEPTIBLES D’ENGAGER LA RESPONSABILITE PENALE DES AGENTS

Violences volontaires aggravées sur des étrangers en situation irrégulière
La CNDS renouvelle ses demandes de sanctions aussi bien administratives que judiciaires à l’encontre des fonctionnaires mis en cause dans ces dossiers. Il serait inadmissible que le corporatisme de ces policiers soit récompensé par une impunité de fait. Le message ainsi adressé à la fois aux fonctionnaires mis en cause et aux citoyens serait catastrophique pour l’image de la police nationale dans son ensemble et pour tous les agents qui remplissent leur devoir avec rigueur et probité.

Injures à caractère raciste et/ou homophobe
Malgré l’obligation faite aux fonctionnaires en charge de la sécurité publique de ne se départir de leur dignité en aucune circonstance, la Commission a relevé un nombre important d’allégations faisant état de propos racistes et homophobes de leur part.
La CNDS tient à souligner que dans toutes les affaires qui lui ont été soumises, elle a été confrontée à des versions contradictoires entre les plaignants et les personnels mis en cause, qui n’ont jamais reconnu avoir tenu de tels propos. Faute de pouvoir établir la vérité, la Commission a conclu presque systématiquement à l’impossibilité de retenir un manquement à la déontologie.
La récurrence et le nombre de ces allégations constituent cependant une source d’inquiétude : tous les plaignants ne pouvent être soupçonnés d’être de mauvaise foi.
Consciente que de tels comportements ne représentent que les agissements de certains fonctionnaires et non les professionnels de la sécurité dans leur ensemble, la CNDS recommande, compte tenu du sentiment d’humiliation exprimé par les victimes, de rappeler aux fonctionnaires qu’ils doivent adopter une attitude exemplaire et, par conséquent, prohiber de manière absolue tous propos ou comportements discriminatoires. Par ailleurs, elle rappelle que l’injure, outre un manquement à la déontologie, est constitutive d’une infraction pénale6.

NON-RESPECT DES REGLES DE PROCEDURE

Contrôles d’identité illégaux
Le 7 avril 2006, en soirée, plusieurs dizaines de jeunes se sont rassemblés spontanément et sans violence dans le cadre des protestations contre le « contrat nouvelle embauche » à proximité de la station de métro Arts et métiers (3ème arrondissement de Paris). Pour empêcher que ce rassemblement ne se transforme en sit-in ou en un cortège inopiné comme cela s’était produit précédemment, la direction de l’ordre public et de la circulation a donné l’ordre aux
effectifs de police présents de procéder à l’interpellation de trente-cinq personnes pour les soumettre à une vérification d’identité. Elles ont été conduites au commissariat du 11ème arrondissement, où, à l’aide de barrières métalliques séparant les mineurs des majeurs, les hommes des femmes, les personnes munies de pièces d’identité de celles qui en étaient démunies, les personnes interpellées, à l’appel de leur nom, étaient soumises à une fouille, puis présentées à un OPJ, dont le bureau était installé pour la circonstance au premier étage du parking du commissariat.
La Commission a conclu, entre autres, que cette opération révélait de multiples dysfonctionnements traduisant une instrumentalisation regrettable des règles du droit pénal et de la procédure pénale au profit d’une pure logique de maintien de l’ordre public, le but étant clairement, pour reprendre l’expression d’un commissaire auditionné par l’IGS, de « faire des procédures judiciaires pour faire cesser les troubles à l’ordre public ».
Ces opérations de vérification d’identité, impliquant la retenue des personnes concernées, étaient réalisées alors même que plusieurs de ces personnes avaient présenté leurs papiers d’identité au moment de leur interpellation, en contradiction totale avec les dispositions – pourtant claires, précises et dénuées de toute ambiguïté – de l’article 78-3 du code de procédure pénale.

Refus d’enregistrer des plaintes contre des policiers ou gendarmes
La Commission recueille régulièrement des allégations de refus d’enregistrer des plaintes contre des policiers par des fonctionnaires de police. Cette pratique est préjudiciable, tant pour les citoyens qui s'estiment victimes d'abus de la part d'agents des forces de l'ordre, que pour l'image de l'ensemble de la profession, et renforce le sentiment d'impunité chez certains agents.
Elle révèle un corporatisme qui incite certains agents accueillant du public à se mettre eux-mêmes dans une situation illégale (au mépris de l'article 15-37 du code de procédure pénale), simplement pour éviter qu'une enquête soit menée sur des allégations de comportements abusifs de la part de l'un ou l'autre de leurs collègues.

PRATIQUES CONTESTABLES DANS DES LIEUX SPECIFIQUES DE PRIVATION DE LIBERTE

Fouilles à nu successives à la « souricière » du palais de justice de Paris
La fouille à nu, dont l’appellation diffère selon le service concerné – police et gendarmerie nationales ou administration pénitentiaire –, est très peu encadrée juridiquement : la loi pénitentiaire n°2009-1436  du 24 novembre 2009 est l’unique texte de loi prévoyant le recours à une telle mesure de sécurité (art. 57). Il convient toutefois de souligner qu’aucun décret d’application n’a été publié à la date de rédaction du présent rapport.
L’enquête menée par la Commission dans deux affaires a révélé le caractère systématique et répété des fouilles à nu des personnes sous mandat de dépôt, conduites de l’établissement pénitentiaire où elles se trouvent incarcérées à « la souricière » du palais de justice de Paris, et prises en charge alternativement par des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire et par des militaires de la gendarmerie.
La Commission a conclu que le nombre excessif et systématique de fouilles à nu (entre quatre et cinq dans la même journée) ne peut se justifier au regard d’impératifs de sécurité ; il équivaut à un traitement inhumain et dégradant au regard de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’Homme, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’Homme dans les décisions Van Der Ven et Lorsé c/ Pays Bas du 4 février 2003 et Frérot c/ France du 12 juin 2007.

Placement contestable de familles dans des centres de rétention administrative
Un mineur ne peut légalement faire l’objet d’une mesure de placement en rétention. La Commission ne partage pas la position du ministre de l’Intérieur et du ministre de l’Immigration consistant à justifier le placement de mineurs en rétention en faisant référence à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme concernant le droit au respect de la vie privée et familiale.
La Commission réaffirme, une fois encore, que le placement en rétention administrative des enfants méconnaît gravement leur intérêt supérieur qui, au sens de l’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant, doit être une considération primordiale.
La Commission déplore que le placement en rétention de familles soit prévu par des textes de nature infra-législative : le décret n°2005-617 du 30 mai 2005 fixe pour la première fois les normes minimales pour qu’un centre de rétention soit habilité à recevoir des familles. A partir de cette date, les arrêtés successifs pris en application de l’article R. 553-1 du CESEDA précisent, outre la liste des centres avec leurs adresses, si le centre est susceptible d’accueillir des familles.
La Commission préconise que les familles soient assignées à résidence, ou placées en chambre d’hôtel, ou encore que, avec l’accord des parents, les enfants soient provisoirement confiés à un membre de la famille, un ami, une famille d’accueil, ou dans un foyer.

Placement illégal de familles dans des locaux de rétention administrative
Un local de rétention administrative (LRA) est destiné à accueillir des étrangers en situation irrégulière en instance d’éloignement pour une durée inférieure à 48 heures et dans des conditions matérielles ne remplissant pas les critères permettant un classement en CRA.
La Commission est particulièrement inquiète de constater, comme elle l’avait déjà fait dans la saisine 2008-9bis rendue en 2008, que des familles ont été placées dans une cellule d’un local de rétention administrative (LRA), à Saint-Louis (68) : saisie des conditions de rétention de deux familles de nationalité kosovare, avec des enfants de 3 à 7 ans, les membres de la Commission chargés de la vérification sur place ont pu constater sur le registre qu’il ne s’agissait pas là d’une exception, puisque deux autres familles au moins avaient également été retenues dans ce local dans les mois précédents.
La Commission, constatant en l’espèce que les conditions dans lesquelles ces familles ont été retenues puis reconduites à la frontière avec leurs enfants avaient violé un certain nombre de textes nationaux (notamment le décret précité du 30 mai 2005) et internationaux, a recommandé qu’aucun enfant ne soit placé dans le LRA de Saint-Louis et que soit inclue dans le CESEDA l’interdiction expresse de placement de mineurs dans un local de rétention administrative.

Administration pénitentiaire

PRISE EN CHARGE DES DETENUS VULNERABLES

Prévention des suicides
La Commission a recommandé que chaque arrivant puisse bénéficier, dans les heures suivant son écrou, d’un entretien effectif, « dans une langue compréhensible par lui », avec un personnel qualifié permettant de déceler les risques de suicide.
Plus généralement, la CNDS recommande, concernant des détenus qui ne comprennent pas le français, que les visites médicales, en particulier avec les médecins psychiatres, aient lieu avec l’assistance d’un interprète ou dans une langue parlée par les deux interlocuteurs.
La Commission constate également, une fois encore, le sous-effectif des médecins psychiatres, qui ne leur permet pas d’assurer le suivi médical relatif à la prévention des suicides et les consultations plus courantes.
Elle recommande enfin que les rondes soient effectuées toutes les demi-heures, la nuit, concernant les détenus devant faire l’objet d’une surveillance spéciale

Mesures de sécurité lors des extractions médicales
La Commission a recommandé la mise en oeuvre d’une concertation systématique entre le médecin responsable de l’examen en milieu hospitalier et le chef de l’établissement pénitentiaire, avant l’extraction, afin que l’état de santé de la personne détenue et la nature de l’examen médical soient pris en compte. Cet échange d’informations permettrait d’assurer un équilibre entre le choix du niveau de sécurité qui s’impose, le risque d’agression ou d’évasion et le nécessaire respect de la confidentialité.

 

Pour consulter la synthèse complète de ce rapport de la CNDS, cliquez ici.

 

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