La section 10/11 de Paris de la Ligue des droits de l'Homme a animé une émission sur Radio Libertaire (89.4 FM) le 7 août sur le droit d’asile des homosexuel(le)s et transexuel(le)s".
Extrait du témoignage de Flora Peschanski (LDH, juriste spécialiste du droit d'asile) et Thomas Fouquet Lapar (président de l'Ardhis, Association pour la reconnaissance des droits des
personnes homosexuelles et transexuelles à l'immigration et a séjour):
Il convient avant tout de bien distinguer le droit d'asile et du droit séjour qui sont régis par le même code : le Ceseda (code d'entrée et séjour des étrangers et droit d'asile). Ces 2
régimes sont totalement différents.
Le droit au séjour relève d'une prérogative de l'Etat d'accueillir et de laisser séjourner des étrangers sur son territoire. Les étrangers peuvent invoquer différents critères (parent
d'enfant français, avoir de fortes attaches privées et familiales en France, régularisation par le travail...) mais les autorités françaises gardent un pouvoir souverain pour donner son
accord.
Le droit d'asile est en revanche un droit fondamental prévu par la Déclaration universelle des droits de l'Homme (article 14). Ce droit d'asile est une protection juridique qui est accordée
aux personnes qui fuient les persécutions. Il est régi par des textes nationaux et internationaux, notamment la Convention de Genève de 1951 qui définit le réfugié et prévoit une protection
juridique avec des droits sociaux particuliers.
Ce droit s'appuie sur 3 fondements :
- est considéré comme réfugié, toute personne qui craint, avec raison, de subir des persécutions du fait de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de son appartenance ethnique ou
de son appartenance à un groupe social.
- la qualité de réfugié peut aussi être accordée sur le fondement constitutionnel pour les personnes qui se sont battues en faveur de la liberté dans leur pays et qui demandent une protection
- de même le statut de réfugié peut être accordé quand le HCR (Haut commissariat aux réfugiés) a placé la personne sous son mandat, sous sa protection.
L'appartenance à un groupe social permet d'accorder dle statut de réfugié aux homosexuels. Le Conseil d'état reconnaît cette catégorie à condition :
- d'appartenir à un groupe qui a des caractéristiques communes, un mode de vie distinct
- d'établir le risque de persécution
L'homosexualité a été considéré comme remplissant ces critères depuis 1998.
Les femmes et les enfants sont également des groupes sociaux reconnus en tant que tel.
Concernant les craintes de persécution, il faut démontrer qu'elles sont actuelles (et non passées) et doivent être personnalisées. Le simple fait que l'homosexualité soit pénalisée dans
un pays ne sufit pas, il faut prouver des craintes personnelles (menaces, ...). Cette appréciation des craintes personnelles est très suggestive et dépend de l'appréciation du juge.
La procédure de demande d'asile
Tout demandeur d'asile doit se présenter en préfecture. Même si la personne est entrée illégalement sur le territoire (et donc
sans visa long séjour), peut prétendre à l'asile.
La personne doit fournir une attestation de domiciliation et des élements permettant de vérfier son état civil.
La préfecture vérifie si la personne ne fait pas partie d'un "pays sûr" auquel cas elle sera placée comme prioritaire. La préfecture vérifie également si le demandeur d'asile n'a
pas fait une demande abusive (plusieurs demandes sous différentes identités). La préfecture s'assure aussi que la personne n'a pas fait une autre demande d'asile dans un autre pays européen
ou n'est pas passé dans un autre pays européen. Si c'est le cas, la préfecture place le demandeur sous la procédure Dublin qui impose l'unicité de la demande d'asile : l'étranger
est renvoyé dans le pays où il est passé ou le pays où il a fait sa pemière demande d'asile.
Cette procédure Dublin pose de graves problèmes pour certaines communautés, notamment les Tchétchènes qui sont passés par la Pologne et donc renvoyés dans ce pays qui n'accorde pas
le statut d'asile pour cette communauté. Il en est de même pour les étrangers étant passés par la Grèce, pays n'accordant que très peu de droit d'asile. Il y a un grand écart dans
l'accord du statut entre les différents pays européens. Avec la procédure Dublin, le demandeur d'asile ne peut pas choisir le pays dans lequel il dépose sa demande.
Une fois la demande déposée en préfecture, il est remis au demandeur un formulaire Ofpra et une autorisation provisoire de séjour d'un mois.
La personne a alors 21 jours pour remplir en français son formulaire. Quelques mois après, la personne reçoit une convocation à un
entretien oral. Durant celui-ci, l'Ofpra vérifie la crédibilité des récits. Le demandeur reçoit une décision plus ou moins rapidement suivant la durée de l'instruction. Soit cela est positif
avec le statut de réfugié (avec une carte de séjour de 10 ans), soit une protection moindre avec le statut de protection subsidiaire (carte de séjour 1 an) ou rejet de la demande. Les refus
sont les plus courants puisque le taux d'accord du statut de réfugié était de seulement 16, 2 % en 2008, 11,5 % en 2007 et 7,8 % en 2006.
En cas de rejet, le demandeur peut faire, sous un mois, un recours devant la Cour nationale du droit d'asile. Le demandeur sera alors convoqué à la cour en audience publique (sauf si
une demande de huis clos est demandée). Trois semaines après l'audience, la décision est connue. Si toutefois il y a confirmation de la décision de l'Ofpra, il est possible de faire
un recours devant le Conseil d'état (qui ne statue que sur une erreur de droit et pas sur les faits) ou faire une demande de réouverture du dossier Ofpra si des élements nouveaux
sont survenus après la décision.
Dans toute cette procédure, il faut noter la difficulté de pouvoir démontrer son homosexualité. Ainsi, certaines décisions de l'Ofpra précisent que "la personne n'a pas apporté la preuve de
son orientation sexuelle". Ceci est très discutable. Le demandeur doit ainsi être perçu comme homosexuel (s'il ne montre pas suffisamment de critères extérieurs, il peut ne pas être
cru. Mais à l'inverse, s'il montre trop de signes extérieurs, il peut être jugé comme jouant la comédie).
Il convient également de préciser qu'il est possible de demander l'asile en centre de rétention suite à une interpellation (sans papier risquant l'expulsion). Il s'agit alors d'une delande
d'asile en urgence. L'ofpra traite ces demandes de façon plus beaucoup plus expéditives (décision sous 3 jours alors que cela peut prendre plusieurs mois dans le cas d'une demande
normale). Et les taux d'accord sont très inférieurs. Ainsi, Samir, de Malakoff, fait partie des rares personnes
ayant pu obtenir le statut de réfugié dans le cadre d'une procédure en urgence.
Pour aller plus loin :
- Radio Libertaire : http://media.radio-libertaire.org (l'émission peut être téléchargée pendant une semaine sur http://media.radio-libertaire.org/php/grille.php)
- Section Paris 10-11 de la LDH : http://ldh-paris10-11.site.voila.fr/
- Ardhis : http://www.ardhis.org/